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C’est étroit ici. Tout petit. Depuis qu’ils m’ont posé là, je manque d’air, d’espace. Et puis, je suis seul. Tout seul, tellement seul. Au travers de mon bocal, je les vois passer. Je vois tout, j’entends tout, mais eux ne me voie pas. Pas un regard, pas un mot. La bonne le matin me donne à manger, elle a pris l’habitude de dire « ça va toi ? ». Elle attend peut-être que je lui réponde cette bécasse ? Enfin, elle est bien gentille quand même, elle pense à moi. Une fois par semaine, le lundi, elle change mon eau. Alors elle me saisit dans ses grosses mains et me met dans un bol pour laver mes vitres. La dernière fois, le bol était si petit que d’un soubresaut je me suis retrouvé sur le carrelage. J’ai bien cru que ma dernière heure était venue. Depuis, j’ai mal à une nageoire, mais personne ne le sait. Tout le monde s’en fout.

Et puis l’autre là ? Maintenant il passe devant moi comme s’il ne me connaissait pas. Pourtant, au début, c’était le grand amour. Il me trouvait beau, « que tu es beau » qu’il disait. Moi, j’ai cru que c’était sincère, j’ai cru qu’il m’aimait, qu’il serait toujours là pour s’occuper de moi. Aujourd’hui, c’est comme si je n’existais pas. Quand il arrive, il pose son journal sur mon bocal, sans se demander si ça me plait d’avoir tout le poids du monde sur la tête. Je manque d’air là dedans. C’est étroit ici. Tout petit. Je vais passer ma vie là, entre ces quatre murs, dans ce bocal. J’ai envie de mourir. J’ai mal à ma nageoire. Tout le monde s’en fou. Quelques fois, je prends mon élan et bing, je me tape la tête contre la paroi. Je n’arrive qu’à m’étourdir, rien de plus. D’autres fois, quand le chat fait mine de m’attraper, je reste là, sans bouger, mais il est tellement maladroit ce chat.

Quand ils sont partis en vacances, ils m’ont oublié. J’ai bien cru que c’était fini tout ça, cette comédie. Je sentais déjà mes forces m’abandonner, je me suis mis sur le côté avant de me mettre tout à fait le ventre en l’air. Je me disais « enfin, c’est la fin ». Et puis, la voisine qui venait arroser les plantes est arrivée, elle a dis je sais plus quoi, elle a trouvé mes granulés et hop, c’est reparti, j’ai bien essayé de ne pas manger mais j’ai pas pu.

Alors voilà, je suis encore là, dans mon bocal, j’attends …

3 réflexions au sujet de «  »

  1. Et tu n’as jamais songé à t’évader comme Nemo.
    Le Léman est tout près. Mais attention aux perches et autres brochets.

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